Article original
Impact dosimétrique de la pose d’un espaceur rectal dans le traitement de cancer de la prostate localisé par irradiation en conditions stéréotaxiquesDosimetric impact of hydrogel spacer use for stereotactic body radiotherapy of localised prostate cancer

https://doi.org/10.1016/j.canrad.2020.09.004Get rights and content

Résumé

Objectif de l’étude

La radiothérapie stéréotaxique dans le traitement du cancer de la prostate localisé est pourvoyeuse de toxicités rectales, qui peut être réduite en utilisant un espaceur rectal. L’objectif de cette étude rétrospective était de démontrer la faisabilité d’une implantation sous anesthésie locale et l’utilité d’un espaceur dans la réduction de la dose dans la paroi rectale.

Matériel et méthodes

Nous avons recueilli les données de l’ensemble des patients atteints d’un adénocarcinome de la prostate localisé traité par irradiation stéréotaxique de 40 Gy (en cinq fractions) entre 2018 et 2020. Un espaceur (SpaceOAR®) a été mis en place en fonction de la disponibilité du dispositif. Nous avons relevé des indicateurs dosimétriques concernant le volume cible et les organes à risque. Les valeurs continues ont été représentées par leurs moyennes et comparées avec un test de Mann–Whitney.

Résultats

Parmi les 35 patients d’une moyenne d’âge de 75 ans, 17 ont bénéficié de la pose d’un espaceur rectal, sans complication lors de l’implantation, permettant un espacement moyen de 10 mm. Les fortes doses dans la paroi rectale étaient significativement plus basses avec l’espaceur (volume recevant 38 Gy et plus [V38] : 0,39 cm3 contre 0,72 cm3 ; p = 0,02). Il y avait une tendance à une meilleure couverture du volume cible prévisionnel (PTV) avec l’espaceur (p = 0,07). Les doses reçues par la paroi vésicale étaient similaires entre les deux groupes.

Conclusion

L’implantation sous anesthésie locale d’un espaceur rectal est faisable, et s’accompagne d’une diminution de la dose dans le rectum, avec une meilleure couverture du PTV.

Abstract

Purpose

Stereotactic body radiotherapy (SBRT) of prostate cancer is associated with rectal toxicities, which can be reduced by using a hydrogel spacer. The object of this retrospective study was to show the feasibility of spacer placement under local anesthesia and utility of hydrogel spacer to reduce the dose to the rectal wall.

Material and methods

We collected data from all patients with localised prostate cancer treated with SBRT (40 Gy in 5 fractions) between 2018 and 2020. A hydrogel spacer (SpaceOAR®) was placed depending on the availability of the product. We collected dosimetric data for target volumes and organs at risk. We calculated mean values, which were compared using non-parametric tests.

Results

Among 35 patients, mean age was 75 years. Seventeen had a spacer placed, with a mean space created of 10 mm. No complication was reported during the intervention. High doses to the rectal wall were significantly lower in spacer group (V38: 0.39 cm3 vs. 0.72 cm3; P = 0.02). PTV were better covered in spacer group (P = 0.07). Doses to the bladder wall were similar in both groups.

Conclusion

Spacer procedure under local anesthesia was well tolerated. Hydrogel spacer allowed to reduce doses to the rectum while improving PTV coverage.

Introduction

La radiothérapie conformationnelle externe tridimensionnelle ou en modulation d’intensité (IMRT) est la seconde modalité thérapeutique la plus utilisée après la chirurgie pour le traitement des cancers de la prostate localisés. Elle a l’avantage d’être moins invasive que la chirurgie, mais le traitement est long, les séances étant étalées sur sept à huit semaines. De fait, la mise en place de schémas d’hypofractionnement modéré avec des doses par fractions inférieures ou égales à 3 Gy [1], [2], [3] a permis une amélioration de la qualité de vie pour le patient, ainsi qu’une réduction du coût de traitement et une libération des capacités de traitement dans les centres. De plus, le cancer de la prostate est à prolifération lente, avec un rapport alpha/bêta faible, ce qui pourrait signifier une sensibilité accrue à la dose par fraction et donc un effet bénéfique de l’hypofractionnement [4].

La radiothérapie hypofractionnée modérée devient donc le traitement standard dans les cancers de la prostate, recommandée par les sociétés savantes françaises [5]. Dans un objectif d’hypofractionnement plus important, l’essai de phase III HYPO-RT-PC a comparé chez 1200 patients l’efficacité d’une radiothérapie classique de 78 Gy en 39 séances (avec une radiothérapie stéréotaxique de 42,7 Gy en sept séances). Il a montré la non-infériorité de la radiothérapie ultra-hypofractionnée, avec cependant une augmentation modérée de la toxicité aiguë, notamment digestive, en fin de traitement, mais sans différence de toxicité à long terme [6]. Les données de toxicité aiguë de l’essai PACE-B, qui a comparé une radiothérapie classique ou modérément hypofractionnée et une radiothérapie stéréotaxique de 36,25 Gy en cinq séances dans le volume cible prévisionnel (PTV) et 40 Gy dans le volume cible anatomoclinique (CTV), ne retrouvaient pas d’augmentation de la toxicité aiguë digestive ou urinaire avec la radiothérapie stéréotaxique [7].

L’utilisation d’un espaceur rectal permettant d’augmenter la distance entre la prostate et la paroi rectale antérieure diminue les doses reçues par le rectum et permet de mieux respecter les contraintes de doses dans le rectum pour les traitements conformationnels normofractionnés [8]. L’essai multicentrique randomisé de Mariados et al. a comparé la tolérance de l’espaceur, son impact sur l’irradiation rectale, la toxicité et la qualité de vie à 15 mois pour 222 patients. Il n’a été retrouvé aucune complication majeure liée à l’implant de l’espaceur, une diminution significative du V70 (Vx: volume recevant x Gy et plus) rectal (de  33 % à 12,4%, p = 0,0001), une diminution significative de l’incidence de la toxicité rectale tardive (5,6 % de grade 1 et 1,4 % de grade 2 dans le groupe contrôle versus 2 % de grade 1 et 0 % de grade 2 ou plus dans le groupe espaceur) [9]. Le suivi à long terme confirmait une diminution de la toxicité digestive tardive et une qualité de vie maintenue ou améliorée pendant les trois années de suivi. En effet, le taux cumulatif de toxicité digestive supérieure ou égale au grade 2 était de 6 % à 3 ans dans le groupe contrôle et de 0 % dans le groupe avec espaceur. Quarante et un pour cent des patients du bras contrôle ont perçu un déclin de la qualité de vie avec une baisse du score associé de cinq points et une baisse de dix points pour 21 % des patients contre 14 % et 5 % respectivement dans le bras avec espaceur [10].

Notre étude rétrospective avait pour objectif de montrer la tolérance de la pose de l’espaceur sous anesthésie locale, d’évaluer son impact dosimétrique sur le rectum et la vessie et de recueillir la toxicité aiguë digestive et urinaire chez des patients atteints d’un cancer de la prostate localisé traité par irradiation en conditions stéréotaxiques.

Section snippets

Patients

Les dossiers de l’ensemble des patients traités par irradiation stéréotaxique de 40 Gy en cinq séances pour un adénocarcinome de la prostate localisé depuis septembre 2018, avec ou sans utilisation d’espaceur, ont été revus. Trente-cinq patients ont été inclus dans cette étude rétrospective de patients traités dans le cadre des soins courants. Ont été exclus les patients ayant eu un schéma d’hypofractionnement différent ou une réirradiation. Des données cliniques et dosimétriques ont été

Description des patients

Trente-cinq patients ont été traités par irradiation stéréotaxique de la prostate seule entre septembre 2018 et mars 2020. Un espaceur rectal (SpaceOAR®) a été posé chez 17 patients et 18 patients ont été traités sans. Les caractéristiques des patients et des tumeurs sont décrites dans le Tableau 1. L’âge médian des patients était 75 ans [54 ; 87 ans]. La majorité des patients étaient porteurs d’un adénocarcinome de risque intermédiaire défavorable selon les recommandations du National

Discussion

Notre analyse rétrospective confirme la simplicité d’implantation d’un espaceur rectal et la faisabilité du geste sous anesthésie locale. La présence d’un espaceur implique une diminution significative des fortes doses dans la paroi rectale, et une amélioration de la couverture des volumes cibles. L’application d’un espaceur rectal avant une radiothérapie stéréotaxique de la prostate est donc un succès sur le plan dosimétrique. La procédure est rapide, sans toxicité aiguë majeure, ni tardive.

Conclusion

L’espaceur rectal est un dispositif rapide à poser permettant de diminuer significativement la dose dans le rectum et d’augmenter la dose dans les volumes cibles dans les radiothérapies stéréotaxiques dans les cancers de la prostate localisés chez des patients sélectionnés. Un suivi à long terme de ces patients est cependant à poursuivre pour évaluer la toxicité digestive et vésicale tardive, ainsi que le contrôle local.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Les dispositifs SpaceOAR® ont été fournis par la société Boston Scientific. Le Dr Blanchard a participé comme conseil non rémunéré à la constitution du dossier d’approbation HAS en France du SpaceOAR®.

Références (22)

Cited by (3)

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